vendredi 6 février 2009

Mémoires : Traversée cynégétique


10 Novembre 1991

Alors que les derniers reliefs du rivage disparaissaient peu à peu dans la brume, je prenais l’air marin en poupe d’un Ferry ventru glissant paisiblement sur les eaux noires du crépuscule. Le voyage vers les côtes britanniques durerait huit longues heures que je prévoyais consacrer entièrement à mon passe-temps favori : la chasse. Le col relevé de mon manteau occultant mon voyeurisme, j’inspectai les alentours. Je n’avais pas l’apanage de la curiosité. Un gosse me regardait sous le nez de ses deux grandes billes avides. Je tirai une cigarette et l’allumai dans le creux de mes mains. Mon profil de rapace sous l’éclairage de la flamme ne dut guère plaire au petit fouineur, car il disparut dans les pattes de ses parents accotés à la rambarde. Tous deux se penchèrent et lui adressèrent un sourire niais. Sans surprise ils débordaient d’une admiration banale pour leurs créations le tout enrobé d’amour. Tout comme une barre chocolatée, je pouvais m’en procurer un peu partout et cela ne comblerait pas mon appétit. Rabaissant mon feutre jusqu'à dissimuler mes yeux je continuai mon inspection. Non loin, un couple de retraités, lancés dans une querelle de chiffonniers, attirèrent mon attention :
« …de ta faute. Tu m’aurais écouté, une fois encore ! Tu aurais réservé une cabine comme je te l’avais demandé. Mais non, bien sûr ! Habituellement les bateaux regorgent de place. Sauf qu’aujourd’hui il regorge de monde ! Assena la matrone crescendo.
- Ecoute Renée, je ne pouvais pas prévoir à la fois une grève surprise des aéroports et ensuite qu’autant de personnes se rabattraient sur le ferry.
- Non en effet il te suffisait de faire ce que je te disais. Beaucoup trop… »
J’étais déçu ce n’était pas l’éclat que j’attendais. Il s’agissait juste d’une querelle chronique, une pièce de théâtre répétée pendant des décennies. Elle et sa colère molle et lui et sa culpabilité feinte étaient impropres à satisfaire mes instincts.
La chasse commençait bien mal. Avec regret je songeai à mon avion parisien paralysé au sol par cette grève inopinée. Huit heures de Ferry ne vaudraient jamais les quelques secondes d’un décollage ou d’un atterrissage ! Une dernière bouffée et les cendres de ma cigarette rejoignaient le filtre. Par dépit mon attention se rabattit sur une jeune fille esseulée. Pessimiste, j’imaginais déjà une célibataire légèrement déprimée ou une amoureuse moyennement transie. Mais ce que je découvris réveilla soudain mon intérêt et mes espoirs.


*


Les questions ontologiques : Quel sera le bilan de ma vie ? Quel rêve poursuis-je ? Quelle est ma place dans ce bas monde ? Je n’en ai cure. Je suis vide, certes. Comme une corde silencieuse quand on la pince, ou un parfum sans senteur. Qu’importe le bétail humain attend d’être trait au dehors. Il suffit de masser leur pis cérébral pour en extraire de chaudes émotions qui viennent combler mon manque. Mais avec le temps je suis devenu un gourmet, je ne me contente plus d’une piquette. La banalité m’ennuie, et l’ennui tue. Alors, armé de patience, je traque les proies idéales celles qui recèlent des joyaux : rubis de colère, andalousite de désespoir, saphir de bonheur. Lorsque ces émotions sont à leurs paroxysmes. Ô quelle jouissance. Le plaisir d’un joaillier devant une pierre parfaite. Ce sont mes trophées immatériels que je subtilise, étiquette, classe puis range soigneusement dans un coin de mon esprit.
Je n’ai jamais vraiment essayé de comprendre l’origine de mon don, mais je sais l’exploiter sans vergogne. Vous imaginerez sans peine l’intérêt de connaître l’état psychologique de votre interlocuteur qu’il s’agisse de votre petit(e) ami(e), de votre collègue… de votre patron. Vous savez quand intervenir, caresser les points sensibles et mieux encore si votre but est atteint. Ce qui en ce 10 novembre 1991 faisait de moi un psychologue riche, avec beaucoup de temps libre et entièrement dévoué à sa passion.


*


La météo britannique me rouillait déjà les méninges. Comment aurais-je pu autrement passer à côté de cette fille sans sentir ce qui irradiait d’elle ? Une onde pulsatile élançant comme une rage de dents, une perle noire : la peur. Une de mes émotions préférées. Ici, elle était viscérale, primale, d’une pureté inestimable.
Celle qui je n’en doutais plus serait ma proie fumait nerveusement à quelques pas de moi comme une gazelle aux aguets. Je me lançai dans une analyse rapide : pas d’alliance, pas de bagages ni sac à main, des vêtements sobres mais soignés et de qualité. Elle n’était donc pas mariée, possédait certainement une cabine dans laquelle elle finirait par échouer après un dîner rapide et équilibré. Elle tira nerveusement une seconde cigarette de son paquet et je sautai sur l’occasion pour un premier contact :
« Laissez-moi vous aider », lançai-je en m’approchant derrière elle.
Surprise, elle bondit sur le côté. Pour excuse, je désignais du regard mon briquet et me fendais du sourire apaisant que je réservais habituellement à mes patients.
Elle me dévisagea mal à l’aise quelques instants puis jeta des coups d’œil inquiets aux alentours. Elle finit par bafouiller rapidement :
« Je comptais rentrer de toute façon. »
Une bouffée de chaleur me parvint lorsqu’elle tira nerveusement la porte coulissante. Elle s’enfuit à grande enjambée. Manifestement, je n’étais pas son type d’homme, à moins que la peur qu’elle nourrissait alimente déjà une paranoïa aiguë. Ce qui ne faisait qu’attiser ma convoitise. A mon tour, je me ruai à l’intérieur du bateau.


*


Le langage est totalement inadapté pour parler du cerveau, car il implique de découper et de définir en partie ce que je perçois en réalité comme un tout. Souvenirs, émotions, sensations tout cela s’entremêle et s’imbrique. La comparaison la plus pertinente bien que simpliste, me parait être celle de l’œil discernant le spectre des couleurs qui se fondent et s’engendrent. Mon don est semblable et s’applique uniquement aux émotions. Le reste : pensées, ressenti, mémoire m’apparaissent comme des impuretés dont la signification m’est refusée.
L’extraction des émotions est une phase difficile, tenant de l’acte chirurgical. La clef étant bien sûr d’opérer sans attirer l’attention. Il me faut alors toute la dextérité d’un pickpocket pour subtiliser mon trophée. La connexion effectuée avec ma cible pouvant se retourner contre moi. A mes débuts, je dus braver ce type d’incidents. Dans le meilleur des cas, ma proie révélait une soudaine antipathie à mon égard et cherchait la confrontation. Cependant, la situation pouvait totalement dégénérer lorsque comme une rivière qui découvre un nouveau lit, le flot mental de la cible se détournait soudain et inondant mon esprit provoquait crise d’épilepsie ou syncope. Des années de pratique, et un rituel de chasse avaient eu raison de ce genre de dérapages, mais le risque couvait toujours.



*


Progressant rapidement dans les couloirs étroits, je percevais du coin de l’œil mon reflet dans les carreaux luisants. Au-delà, les ténèbres drapaient dorénavant une mer dont l’agitation ne me parvenait que par le bruit des vagues et le roulis du navire. Une ambiance sereine envahissait doucement les alentours. Les passagers semblaient s’être tacitement entendus pour préserver la quiétude nocturne. J’en croisais quelques-uns parlant à voix basse et avançant à pas mesurés. J’approchai bientôt du centre de l’embarcation. Des magasins détaxés occupaient l’endroit. La lumière tamisée de leurs vitrines éclaira brièvement ma proie qui disparut dans un détour. Voulant accélérer l’allure je percutai une adolescente joufflue les bras remplis de confiseries.
« Hé ! Regardez où vous allez », grommela-t-elle.
S’accroupissant pour ramasser ses friandises, elle me bloqua le passage. Je l’aurais volontiers enjambé si elle n’avait pris tant de place. Je me déhanchais donc pour tenter d’apercevoir les escaliers menant à l’étage inférieur.
« Vous poursuivez quelqu’un ou quoi ? Se rappela-t-elle à moi. Je l’avoue, cette godiche faisait preuve d’une clairvoyance bien embarrassante. Elle s’était relevée et me lorgnait comme un morceau de viande avariée.
- Je cherche le restaurant à l’avant, dis-je en tentant d’ôter toutes traces d’agacement dans ma voix.
- Bah c’est pas dur pourtant, vous allez… »
Ni tenant plus, je lui passai devant sans autre forme de cérémonie et me délectai même d’un hoquet de surprise offusqué ayant réussi à remonter sa gorge grassouillette. La traque de ma proie reprenait et pariant sur la cafétéria je m’y rendis directement. Je me félicitai de mon discernement en l’apercevant commandant un plateau-repas.


*


Avant cette traversée, je ne m’étais jamais véritablement intéressé au devenir de mes proies après les avoir dépouillées de leurs émotions. L’introspection à cette époque n’était pas mon fort. Le chat s’intéresse-t-il encore à la souris une fois qu’il a fini de jouer avec elle ? Toutefois, au hasard d’une rubrique nécrologique ou faits-divers, je reconnaissais parfois mes victimes, à qui j’avais volé : amour, joie, peur, confiance…Et que sais-je d’autre encore ? Semblant profondément affectées par mes spoliations, elles se lançaient dans des actes désespérés : dépression, suicide, violences, meurtres… N’affectant pas le cours de ma vie cela ne méritait pas de s’y attarder.
La conclusion de ce voyage m’a amené à revoir mon jugement et d’étudier de plus près ce qui régule l’équilibre psychique chez mes semblables. L’histoire est pleine d’expériences intéressantes comme celle de l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen qui fit enlever à leur mère des nourrissons pour les élever dans le silence absolu afin de découvrir la langue originelle. Sur ce dernier point l’expérience s’est relevée stérile : les enfants étant morts avant d’avoir prononcé un seul mot et d’arriver à l’âge de huit ans. Mais sur le plan émotionnel elle est intéressante, si l’on considère le langage comme un vecteur de l’affectif.
Moi qui ne ressens rien, j’ai besoin d’assouvir mon vide pour perdurer. Ma chasse relève donc de l’instinct de survie.


*


Je m’attablai de manière à rester hors de vue de la jeune femme, et passai directement à la mise en joue. Un observateur éventuel pouvait me voir la dévisager de manière plus que déplacée, je le savais, et j’escomptais abréger mon opération au plus vite. En temps normal, le point culminant de ma chasse est l’ablation de l’émotion de ma proie, un peu comme décapiter un cerf. A mon grand regret, je fus privé de ce plaisir. Fasciné par sa beauté, je m’approchai précautionneusement de la perle noire enfouie dans la tête de cette jeune femme. Je l’enserrai doucement jusqu'à ce qu’une pensée étrangère vienne s’immiscer et me distraire. Je stoppai net. On m’observait. Pas visuellement mais à travers mon don. Cette impression inédite me fit oublier ma cible. C’était aussi désagréable que de découvrir les empreintes d’un autre chasseur sur ma piste. Je détournai ma concentration vers cette présence inconnue. Mais celle-ci me flanqua la porte de sa conscience à la figure. Elle : c’était une femme, tout ce dont j’avais eu le temps d’entrapercevoir. La réalité physique me rattrapa soudain.
« Vous m’avez suivi ! »
L’exclamation aurait pu passer inaperçue si elle n’avait été accompagnée d’un claquement tonitruant du plat de la main sur la table devant moi. J’avais oublié ma proie, et payais le prix de ma négligence. J’aurais difficilement pu mieux faire pour exacerber sa paranoïa. Pendant que mon esprit furetait à droite à gauche mon corps laissé à l’abandon faisait fi des règles sociales officieuses : révélant une bouche béante, des yeux luisants de convoitise. Je regrettais qu’ils ne soient pas révulsés, au moins, j’aurais pu plaider la maladie.
« Qu’est-ce que vous me voulez ? Vous êtes une espèce de pervers, c’est ça ? Ne vous approchez plus de moi, c’est compris ? »
La jeune fille effectua un demi-tour militaire et s’enfuit. Je ne m’étais pas retrouvé dans une situation aussi inconfortable depuis mon adolescence et mes balbutiements pour dominer mon don. Cette fois la partie était finie. Avec cette petite altercation, j’étais le centre d’attention de tout le réfectoire. Je maitrisai pourtant ma hargne, et obéis. Je restai planté sur mon siège afin que les voyeurs m’entourant témoignent de ma bonne foi. Ou plutôt, c’était mon plan avant qu’un clin d’œil fugace me fasse changer d’opinion. Imaginez-vous, une vieille femme petite et desséchée, ses pommettes hautes tirant les commissures de ses lèvres filiformes et lui barrant le visage d’un sourire persistant. De lourds cernes venaient souligner des yeux verts et étroits perçants de malice. Ses habits conformistes semblaient destinés à se fondre dans la foule. Mais plus que tout, d’elle n’émanait aucune émotion. J’eus instantanément la certitude qu’elle était la cause du revers que je venais d’essuyer. Mais déjà, elle s’en allait. La tentation était trop grande. Je la suivais. Même si, au vu de tous j’allais passer pour un pervers cherchant à rejoindre la jeune fille. Au diable les qu'en dira-t-on !
Le pas alerte malgré sa canne, la veille défraîchie dévalait les escaliers et enfilait les couloirs avec une rapidité peu commune chez une personne de son âge. Pour ne pas la perdre, je dus forcer l’allure. J’arrivais finalement juste à temps pour la voir disparaître derrière la porte d’une cabine. La coursive insipide fut le théâtre de mon indécision. Il me fallait des réponses. Depuis toujours j’étais le borgne au royaume des aveugles, mais elle, c’était une voyante ! Sans frapper, j’entrais… dans une grotte.
Pris au dépourvu, je fis un tour sur moi-même, me révélant l’incohérence de la situation. Je venais de passer une porte, mais je ne la discernais nulle part, et bien qu’aucune ouverture ne soit visible une lumière diffuse éclairait l’endroit. Ma montre indiquait 23h00, 10 novembre. Tout cela n’était donc qu’imagination pourtant ces lieux ne m’évoquaient aucun souvenir. Ici les parois semblaient vomir des coulées blanchâtres, là des circonvolutions aux reflets bruns et verdâtres suintaient d’humidités, me donnant l’étrange impression d’être tombé dans l’estomac d’un monstre démesuré. Des profondeurs rocheuses me parvenaient les gazouillis légers de l’eau s’écoulant le long de rigoles ou bien tintait d’un doux clapotis en s’égouttant dans de vastes flaques. Soudain je crus comprendre à qui attribuer ce méchant tour : le fossile à la canne. Je ricanais ostensiblement et l’écho amplifia mes railleries.
« Quel symbolisme est-ce donc là ? De la psychologie jungienne, de la philosophie platonicienne, ou bien du fanatisme religieux ? » Hurlais-je à la cantonade.
Aucune réponse ne me parvint si ce n’est les rebonds de ma voix sur la pierre. Toutefois, je ressentis une légère pression comme si l’on voulait écarter mon intervention, comme une mouche qui dérange. Ainsi, cette vieille carne avait le pouvoir de contrôler mon esprit. Depuis combien de temps me surveillait-elle ? A la lumière de ces nouveaux faits, je repassais les événements de ces dernières heures. La jeune femme n’avait été qu’un appât pour m’attirer ici, mais pourquoi ?
« Pour que tu la violes, tais-toi maintenant ! » Cette pensée me frappa comme une gifle, elle n’était pas de moi. Loin de temporiser mon raisonnement, cette incursion l’accéléra. Combien de témoins m’avaient vu de près ou de loin avec cette fille ? Quels sont ceux qui pourraient attester un comportement pervers ? Et après, je n’avais violé personne ! Cinglante de mépris, une nouvelle intervention teintée d’irritation me parvint : « C’est une question de temps ».
Je comprenais soudain, ayant capturé mon esprit, elle contrôlait mon corps ! Avec le recul, l’électrochoc ce jour-là, fut la surprise et non la peur. La surprise vous met à nu ou plus exactement vous trouve à nu. Elle brise les automatismes, nous ramène à des instincts purement primitifs de survie immédiate. Je ressentis réellement la surprise comme une émotion. Mes barrages psychiques explosèrent, et je me déversai tout entier vers ma geôlière dans un abandon suicidaire. Je partageais un instant son âme. Elle me traquait depuis des mois à travers les proies que je laissais traumatisées derrière moi. Consciente que la nature inexplicable de mon don ne pouvait être présentée devant une cour de justice, elle avait trouvé un palliatif par ce viol. Pourtant, je compris que derrière cette façade de redresseur de torts se cachait un réel dégoût de ma personne. La façon dont j’avais exploité mes capacités la révoltait. Mon absence d’humanité était une anomalie de la nature qu’il lui fallait purger. Mais plus que tout elle craignait que je puisse accroitre mes facultés mentales et représenter un danger même pour elle. Je tourbillonnais en elle fasciné par ses pouvoirs, comme un insecte fonçant sur la flamme. Pourtant, le bruit des embruns contre le hublot de la cabine m’atteignit soudainement et je m’y raccrochais éperdument. La colère de la vieille femme s’abattit sur moi comme un oiseau de proie.
« Reste où tu es mécréant. »
Des serres fouillèrent dans mon cerveau pour tenter d’arracher quelque chose. Puis tout disparut subitement dans un nuage de volutes noires, qui se dispersant me livrèrent la réalité de ma situation. J’étais dévêtu, surplombant la jeune fille, nue elle aussi, que j’avais poursuivie plus tôt. Coralie indiquait un médaillon. Bâillonnée et attachée, elle se tortillait sous moi. Ses yeux terrifiés roulaient dans leurs orbites comme deux billes infernales. Je me redressais brusquement. On tempêtait et tambourinait :
« …allez débloquer cette porte immédiatement ou nous allons l’enfoncer ! »
Des coups d’épaule vinrent étayer l’allocution, faisant trembler le chambranle. Une canne que je ne connaissais que trop bien bloquait la poignée. Un piège retors finissait de se refermer sur moi. Des témoins étaient susceptibles de retracer chaque étape de mon voyage : le petit garçon, l’adolescente, une bonne trentaine de personnes dans la cafétéria, ma victime. Les dents sur le point de me broyer étaient celles d’un viol avec préméditation. Il me restait une poignée de secondes. Je les utilisai pour voler la peur de cette jeune femme. Instantanément l’expression d’effroi sur son visage vira à la fureur. Comme un effet secondaire au vol de ses peurs, la colère l’envahit. Je la libérai de ses liens.
Les événements qui suivirent déferlèrent sur moi sans que j’aie prise sur eux. Coralie se jeta sur moi toutes griffes dehors. Au même moment dans un fracas retentissant, des membres d’équipages firent irruption. Ce fut la jeune femme qu’ils durent maîtriser en premier. Toutefois, des menottes rejoignirent peu après mes poignets. Coralie continuait de m’injurier copieusement alors que l’on couvrait sa nudité. Un tranquillisant fut finalement nécessaire pour la calmer. Quant à moi je ne pipais mot même lorsqu’on m’interrogea. On finit par nous conduire à l’infirmerie. Une chose m’échappait : aucune trace de cette vieille garce. La lumière se fit lorsque je découvris à l’infirmerie un médecin penché sur l’instigatrice de ma disgrâce. Il baissa les bras c’était fini. Il penchait pour un accident vasculaire. En étais-je la cause ? Ou le stress avait-il précipité sa perte ? Qu’importe, un large sourire renaquit sur mes lèvres.



*


Des mois ont passé, mon jugement a finalement été prononcé au tribunal correctionnel où je fus condamné pour agression sexuelle. J’ai échappé à la cour d’assise, le chef d’accusation ne pouvant être un viol sans « pénétration ». Bénéficiant d’un sursis, à la sortie du tribunal j’étais libre.
Je dois remercier cette vieille mégère. Que dit le proverbe : « Un homme averti en vaut deux » ? Sa mesquine tentative pour me dépouiller de mon don et m’enfermer pour le restant de mes jours m’a ouvert les yeux sur de nouvelles possibilités. Bien qu’elle ait emporté dans la tombe ses secrets, j’ai de nombreuses années devant moi pour expérimenter et un stock de gibiers inépuisable. La chasse est ouverte.

Conte du soir montagnard


En s’aventurant dans les contrées reculées du vaste royaume d’Och, bien loin des plaines fertiles centrales, par-delà les plateaux pourpres et la vallée du Selan, l’aventurier audacieux peut découvrir l’imposante chaîne des Montagnes Sombres. En ces lieux inhospitaliers survit une petite tribu d’humains. Robustes, ils cohabitent avec les harpies acariâtres, les nains bougons, les farouches griffons, les ours ombrageux, et les loups affamés. Toutefois, bien que la vie soit rude pour cette petite peuplade, la nourriture est abondante pour les hardis chasseurs et les pêcheurs rusés.

Le soir, après de laborieuses journées de travail, ces hommes et ces femmes se retirent dans leurs étranges habitations mi-troglodytes, mi-cabanes, dont les entrées en bois à flanc de montagne défient le vide, reliées entre elles et au sol par un insolite réseau d’échelles de cordes et de passerelles suspendues. Après le souper, les familles passent un moment autour du feu. Alors, un spectacle étrange s’offre à l’observateur : des colonnes de vapeurs blanches s’échappent des conduits perforant la roche, glissent sur la pierre et serpentent entre les demeures.

Dans l’une d’elles, cette nuit-là, un petit montagnard, Helm, frôlant les huit révolutions, refusait d’aller dormir.

— Encore un peu ! Suppliait-il.

— Allons, tu l’as assez regardée pour ce soir Helm, répliqua Elda, sa maman. La ronde des griffons sur le pic de Forgule recommencera demain soir ! Il est l’heure, la chouette l’a dit.

—…

— Helm ? Menaça Elda.

— Papa ? Sollicita l’enfant se tournant vers le dénommé : Herald.

Un bref regard de la jolie femme menue indiqua « hors de question que tu cèdes ! », et le grand barbue, un sourire contrit aux lèvres, recroquevilla légèrement les épaules en signe de : « Coupons la poire en deux ! ». Enlaçant sa femme par la taille, il fourra l’une de ses grosses mains cornées dans la chevelure hirsute de son fils :

— Viens au lit, mon garçon et je vais te conter une histoire.

Les grands yeux noisette de l’enfant pétillèrent d’impatience, tandis que la maman fléchissait légèrement la tête. Le message à son mari était clair : « Je te préviens : je dormirais quand tu iras te coucher ! ». Il fit une grimace et elle sourit de toutes ses dents en le laissant avec l’enfant.

Helm s’empressa de rejoindre sa paillasse, d’ôter sa peau de mouton et ses chausses et se glissa sous les couvertures.

— Alors, quelle histoire aimerais-tu entendre ? Interrogea Herald tout en sortant sa pipe et s’enfonçant dans un fauteuil.

— Une histoire de draagôn ! S’excita l’enfant.

— Ah ! Mais j’imagine que tu ne veux pas d’une de ces fables ridicules pour Occidentaux où l’un de leur petit chevalier replet se rend, seul, avec une épée magique, dans l’antre d’un dragon, et terrasse la bête d’un seul coup aussi glorieux qu’improbable.

— Nan ! Je veux une vraie histoire. Pas une histoire pour les petits bras de l’ouest !

Le rire de basse de son père résonna dans la chambre.

— Bien, j’ai une histoire que m’a contée ton grand-père quand j’avais ton âge. Et sais-tu où elle se déroule ?

— En Elfie ! … non : dans la jungle Orc ! … les steppes gobelines ?

— Non mon grand, ici même.

— Ouah.

Le chasseur alluma son tabac et tira quelques bouffées, parfumant la pièce d’une odeur de foin.

— L’histoire que je vais te conter se déroule il y a bien longtemps. A cette époque, la contrée était encore plus dangereuse qu’aujourd’hui, c’était avant l’arrivée des nains. Car, quoi qu’en disent ces chafouins personnages…

— Papa, papa, l’histoire.

— Hum, oui. En ces temps, des Trolls erraient dans les montagnes ; les harpies foisonnaient dans la forêt. Mais une menace bien plus grande planait dans le ciel.

— Un draagôn !

— Oui petit. Un grand dragon des glaces aux écailles reluisant de reflets argentés, aux ailes plus grandes que notre maison. L’écho terrible de son cri résonnait dans tous les monts alentour déclenchant des avalanches, son souffle déchaînait des tempêtes, et son ombre terrorisait les plus vaillants. On l’appelait Forgule.

— Comme le pic montagneux ?

— Eh oui !

— Vivait-il là-bas ?

— Non. En réalité, Forgule s’était installé sur le mont Hule.

— Mais il n’y a pas de mont Hule ici papa.

Le montagnard se fendit d’un grand sourire sous sa barbe.

— Mais si ! On l’appelle maintenant le mont Carré, car lorsque Forgule en fit son repaire, il en rogna le sommet d’un coup de queue !

— La force !

— N’est-ce pas. Mais ceci n’avait rien de drôle pour notre peuple, car le dragon nourrissait une faim insatiable. Il engloutissait tout ce qui passait sous son énorme gueule. Parfois même, comme l’incarnation de la mort elle-même, il déferlait au village, démolissant nos demeures, et dévorait des familles entières.

Un frisson parcourut l’échine de Helm. Seuls ses yeux dépassaient de la couverture.

— Ça ne pouvait plus durer. Alors, l’un de nos plus grands chasseurs, Arhm « le brave », décida de se rendre au nid du dragon.

— Il n’avait pas peur de se faire manger ?

— Bien sûr, mais Arhm était malin : il attendit que Forgule soit repu et somnole pour se présenter à lui.

— Pour le tuer ?

— Seul ! Oh non, aucune chance. La tribu entière n’aurait pu venir à bout de ce dragon. Non, il s’y rendait pour négocier un accord. Il supplia la bête de laisser son peuple en paix en échange de quoi, il lui ramènerait l’objet de ses désirs. Forgule lança tout d’abord un regard goguenard en direction de la lune, et Arhm pâlit en pensant à ce que pourrait lui demander le dragon. Mais le dragon fronça son gros front écailleux et de sa voix profonde confia à notre ancêtre qu’il était las de manger tout le temps les mêmes mets. Alors si Arhm trouvait à renouveler cet ordinaire, il accepterait son marché.

— Ça alors ! S’étonna l’enfant.

— Oui, notre héros était loin de s’attendre à une quête de cet acabit. Et même si, de prime abord, celle-ci pouvait paraître simple, un dragon n’est jamais facile à contenter. Et la ronde de Arhm commença. Chaque jour, notre vaillant chasseur apportait un nouveau plat au dragon. Poissons, moutons ! Trop petits. Fruits ! Immangeables. Légumes ! Quelle horreur !

— Des vaches !

— Allons, Helm : les vaches sont rares à notre époque alors imagine en ces temps reculés.

— Donc Arhm n’a rien trouvé ?

— Rien. Et le dragon, peu satisfait de ses nouvelles expériences culinaires, tournait à nouveau dans le ciel à la recherche de la première proie venue. Alors, Arhm se rendit voir Finëa, l’une des Sagettes du village.

— Pour lui demander conseil ? Interrogea Helm.

— Eh bien… A vrai dire, on dit que ce n’était pas la motivation première du chasseur. Finëa était une très jolie jeune fille, tu vois ? S’embarrassa Herald.

— Non… Quel est le rapport ? Questionna l’enfant déconcerté.

— Aucun, tu as raison. Concéda son père.

— Quoiqu’il en soit, reprit-il, Finëa finit en effet par donner un conseil à Arhm. Et le lendemain, le chasseur se rendit au nid de Forgule pour lui proposer un dernier mets. Je te donne un indice : ça vit dans l’eau et c’est répugnant.

— Du poisson-chat ?

— Beaucoup trop petit, mon garçon. Non, du Kraken !

— Les monstres marins avec des tentacules ? Mais ça n’existe pas !

— Oh que si, ça existe. Mais tu as raison, pas chez nous. Toutefois, le dragon n’en savait rien, il ne vivait dans nos contrées que depuis une centaine d’années et s’intéressait peu aux légendes locales. Arhm lui assura que rien n’était plus savoureux qu’un Kraken fraîchement pêché. Mais arguant que la prise d’une bête de cette taille ne pouvait être réalisée par un humain, il proposa au dragon de le pêcher lui-même. L’idée de se mesurer à une créature de sa taille plut au dragon, il accepta. Et, Arhm lui confectionna une canne à pêche.

— Elle devait être énorme !

— En effet, la canne n’était autre que le tronc du plus haut sapin de la forêt ; le fil de pêche, une corde conçue spécialement ; et l’hameçon, une hallebarde recourbée.

— Et l’appât ?

Son père fit la grimace.

— On dit que le dragon embrocha un Troll pour appât.

— Beurk.

— Comme tu dis.

— Mais puisqu’il n’y avait pas de Kraken, pourquoi ce mensonge papa ?

Herald tira une nouvelle bouffée de sa pipe, pour une pause convenue.

— L’unique but du chasseur était d’attirer le dragon dans un endroit fort dangereux. Dangereux, même pour ce grand prédateur : le lac Maudit. En territoire Harpie. Nulle créature dotée d’un peu d’intelligence n’osait s’y rendre. Car chacun connaissait le sort réservé aux contrevenants : ils étaient métamorphosés en statues de pierres. Nos ancêtres pensaient que les eaux du lac étaient maudites. Des superstitions extravagantes couraient sur l’endroit : on disait notamment que les victimes pétrifiées se réveillaient parfois, tels des golems traquant les importuns. Pourtant, la réalité était autre : le lac était le territoire d’une seule créature bien vivante, quoiqu’assez exotique. Avec toutes les histoires que je t’ai déjà contées, tu dois bien en avoir une petite idée, non ?

Helm remonta une main de sous les draps pour se gratter la tête, puis ses yeux s’élargirent lorsque la mémoire lui revint :

— Un basilic !

— Exactement ! Un basilic qui, d’un seul regard, transforme toutes créatures vivantes en statues de pierres.

— Et Arhm s’en doutait, proposa l’enfant.

— Pas le moins du monde, sourit son père. Pour lui, le lac était bel et bien maudit et c'est pourquoi il chercha bien vite une excuse pour laisser le dragon s’y rendre seul à la pêche au Dahu en l'occurrence au Kraken. Forgule n’y vit pas d’inconvénient, et personne ne revit jamais le dragon.

Helm repoussa les draps et se releva légèrement en fronçant les sourcils.

— Quoi ? C’est tout ? Mais que se passa-t-il ? Le basilic a changé Forgule en pierre ?

Herald savoura l’instant. Car, en effet, la plupart des gens concluaient ainsi le conte de Forgule. Cependant, lui tenait de ses aïeux, une autre version du dénouement. Alors, il prit un air faussement détaché, se leva et s’approcha de la porte de la chambre d’où il pouvait ensuite apercevoir à travers une fenêtre le pic de Forgule.

— Nombre de personnes le pensent en effet. Le mont rocheux « La queue de Forgule » serait une relique de la pétrification du dragon et à son pied…

— Le lac, prononça doucement l’enfant à contrecœur.

— Tu sembles déçu, pourquoi donc ?

— C’est que… Helm se tut pour chercher en lui la réponse.

— Je sais ce que tu vas me dire, continua son père. Un basilic est loin de posséder l’envergure d’un dragon. Alors que Forgule, capable de détruire le faîte d’une montagne, de terrifier des Trolls, d’un souffle de déclencher des tempêtes, soit terrassé par une bête qui ne fait même pas un dixième de sa taille, cela peu paraître étrange. Pourtant, si tu y réfléchis, une piqûre d’insecte suffit parfois à tuer un humain ?

L’enfant hocha la tête en faisant la moue. Son père reprit :

— Oui, je vois bien que tu n’es pas convaincu…

Et, s’approchant, il s’exclama :

— Et tu as raison mon garçon !

S’asseyant cette fois sur le lit, il se pencha sur l’enfant et le débit de ses paroles s’accéléra, relançant soudain l’histoire et la curiosité de ce dernier.

— Car, vois-tu, les dragons sont très résistants à la magie, et ce n’est certainement pas le regard d’un basilic, d’ailleurs un lointain cousin reptilien des dragons, qui aurait pu arrêter le terrible Forgule. Alors quoi ? Comment se fait-il que Forgule, s’il n’a pas succombé au basilic, ait disparu après s’être rendu au lac Maudit ?

L’enfant attendait la suite, impatient.

— Pas d’idée, conclut son père. Bien ! Tu y réfléchis et je te raconterai la suite un autre jour.

— Papa ! S’écria Helm outré, s’accrochant au bras de son père qui déjà se relevait.

Herald reprit son fauteuil comme un barde qui revient sur scène sous les rappels du public.

— Désolé de te faire languir fiston, gloussa-t-il. La rencontre entre le basilic et le dragon eut bien lieu au lac Maudit. Forgule pêchait tranquillement, remontant de temps à autre le Troll accroché à son hameçon pour voir s’il bougeait encore, lorsqu’il vit sortir d’une grotte non loin, une créature de la taille d’une vache avec un long coup et une petite tête sournoise : le basilic. Ce dernier darda aussitôt ses yeux de braise sur l’importun venant violer son territoire, mais Forgule ne fut pas pétrifié. Tout juste ressentit-il l’attaque magique comme un frisson irritant ses écailles. Il n’en lâcha pas moins sa canne à pêche, afin de rappeler au nouveau venu, qui, était en haut de la pyramide des prédateurs. Et d’un coup de mâchoires, il arracha un membre au basilic. Une fois n’est pas coutume, ce dernier en fut pétrifié non pas tant de douleur, mais qu’on ait pu lui résister. Le dragon mâchonna machinalement son prélèvement. C’est alors qu’il fit une découverte. Une découverte qui explique qu’on ne revit plus jamais Forgule sur nos terres ensuite. Te souviens-tu de la promesse de Forgule à Arhm ?

— Oui : il n’importunerait plus les humains si Arhm lui trouvait… un mets nouveau ! Le Basilic !

— Tout juste ! Lorsque Forgule goûta la chair de celui-ci, qu’il se gorgea de son sang, il fut subjugué et dévora l’animal en entier. Et s’il tint sa promesse, ce ne fut pas tant par loyauté que par gourmandise. Forgule s’envola vers d’autres horizons à la recherche de cette nouvelle friandise. Depuis, personne n’a revu de dragon sur le mont Carré.

— Est-il mort ?

— De vieillesse ? Sûrement pas : les dragons comptent leur âge en siècles quand nous utilisons des cycles. D’un combat ? J’en doute fort : il faudrait une armée de millier d’hommes pour le terrasser.

— Mais alors, il pourrait revenir, s’exclama l’enfant.

— A vrai dire, au cours des ères qui se sont écoulées, des témoins jurent avoir vu un dragon, un sourire énigmatique aux lèvres, pêcher au lac de Forgule. Mais trop souvent ceux-ci avaient l’haleine chargée d’alcool de Genépi. Toutefois, une chose est certaine : personne n’a jamais retrouvé la canne à pêche.

Le silence, propice à la réflexion, revint dans la chambre. Herald tira les dernières bouffées de sa pipe, aussi pensif que son fils. Il se revoyait enfant au mont Forgule, arpentant les contours du lac à la recherche d’une empreinte, d’un signe, d’un bout de bois, de corde, de fer qui auraient pu être partie de la fameuse canne à pêche. Son regard bienveillant revint sur son fils. Demain, à n’en pas douter, l’enfant demanderait à aller pêcher au lac de Forgule. Le sommeil emporta le père et le fils au fil de leur imagination.

Dehors, une brise légère perturba un instant le silence anormalement pesant. Pas un chasseur ne veillait pour pressentir le subtil changement d’atmosphère, la ronde des griffons avait déjà cessé, les mammifères nocturnes et autres chouettes ne donnaient pas signe de vie, et une peur presque palpable se répandait peu à peu dans les montagnes. Soudain une ombre gigantesque dissimula la lune, couvrant un moment les feulements du vent par ses battements d’ailes.

La nourriture doit rester variée, car tout un chacun finit par se lasser, même de ses péchés mignons.

Une dernière mission


Impuissant à fournir une énergie infinie pour voyager à la vitesse de la lumière, l’homme avait biaisé en découvrant, un phénomène naturel, les tunnels dimensionnels : des trous dans le temps et l’espace. La Coalition à l’origine de cette découverte avait répertorié méticuleusement tous les tunnels, en régissait despotiquement les droits de passage, en régnant sans partage sur l’univers connu.


En sortant du tunnel dimensionnel, Etan Van Cleef s’octroya une pause avant de reprendre les commandes manuelles de son Trident VD7. Ici, nul besoin de craindre une attaque pirate ou Anarch, personne, excepté les scientifiques, ne s’intéressait à la galaxie quasi vierge X1.77E15Z, et pour cause : celle-ci était le point le plus éloigné de l’univers connu. Tant et si bien que nul n’avait pris la peine de la nommer. Propulseurs coupés, il profita du panorama imprenable qui s’offrait à lui à travers la bulle de son cockpit, et du silence de son vaisseau.

Grand et bien bâti, cheveux coupés ras, yeux noirs inquisiteurs, Etan cultivait une personnalité sombre et distante, bien utile pour asseoir sa fonction d’Enquêteur de la coalition interstellaire. D’une vois basse il s’adressa à l’intelligence artificielle du Trident :

- Repérage de la citadelle d’ancrage, application sur celle-ci du code d’urgence X12, rappel immédiat de tous ses vaisseaux satellites, calcul de la trajectoire, envoi du signal d’approche, commandes manuelles.

Quelques instants plus tard, la majestueuse station se dévoilait sous les reflets bronze d’une planète toute proche. Les visiteurs étaient rares, mais même pour le plus blasé d’entre eux, l’Enquêteur Van Cleef, la démesure de la citadelle et sa magnificence éveillait l’admiration. Les larges panneaux miroirs, les immenses plates formes rondes ne manquaient pas de surprendre, mais plus encore ce qui stupéfia l’Enquêteur fut le fameux prototype de « réacteur dimensionnel » rayonnant d’un éclat bleu profond. Van Cleef eut pourtant tôt fait de se ressaisir et dédaigneux prononça à voix haute :

- C’est donc ici que disparaît l’argent de la coalition : dans la « Recherche ».

Puis, il eut une moue appréciatrice devant les petits vaisseaux en orbite et autres capsules qui comme des abeilles affolées rentraient d’urgence à la ruche.

- Processus d’identification demandé, prononça-t-il, devançant la tour de contrôle, Enquêteur Van Cleef en approche, piste d’atterrissage requise.

Après un silence confus, une voix s’empressa en retour :

- Bienvenue Enquêteur, euh…la piste… Est…la place 66 vous est réservée.

Van Cleef ne prit pas la peine de répondre ni d’échanger des civilités, se dirigeant droit sur la piste indiquée. Après 40 ans de carrière, il imaginait facilement l’état psychologique de ses futurs hôtes : une communauté de scientifiques soudés dans l’isolement qui réserverait au mieux une condescendance polie dissimulant l’angoisse classique face à l’étranger inquisiteur, à fortiori émissaire de la coalition. « Dernière mission », se jura-t-il.

Sportif malgré son âge honorable, l’enquêteur sauta de son vaisseau sans prendre la peine de sortir la passerelle, se gaussant de la surprise du soldat l’attendant en contrebas, qui s’empêtra dans un salut militaire approximatif.

- Eh bien soldat ! Vous ne vous sentez pas trop seul au milieu de tous ces scientifiques, commenta Van Cleef tout en chassant les plis imaginaires de son uniforme d’une main rapide.

- Cela peut aller Enquêteur, la citadelle compte une bonne centaine de militaires.

- Alors, vous n’avez aucune excuse pour le déplorable système de sécurité de celle-ci, lâcha Van Cleef.

- C’est…

- Aucune importance, je règlerai cela avec vos supérieurs. Conduisez-moi au commandant.

Le soldat grimaça, mais s’exécuta. On ne discutait pas les dires d’un Enquêteur de la coalition, même, ou plutôt surtout, les plus exécrables. Alors que les deux hommes rejoignaient les arches élancées du hall central, Van Cleef se figea à la vue de la silhouette féminine s’approchant. Le Dr Joanne Cowie directeur de recherche de l’ensemble de la citadelle marchait d’un pas mesuré et ferme. Après 10 années biologiques de séparation, Van Cleef la trouva simplement identique au souvenir qu’il se faisait d’elle, des yeux bleus imperturbables, une petite bouche pour l’instant pincée de contrariété et des mèches brunes mi-longues recourbées autour d’un visage ovale angélique. Bien qu’il se fut préparé à cette rencontre, ayant étudié de près l’ensemble de l’effectif de la citadelle, l’Enquêteur resta sans voix.

- Etan. Prononça Joanne d’une voix menue et désapprobatrice.

« Autant pour la réconciliation », songea ce dernier.

- Joanne. Reprit-il. Est-ce moi qui te fais fuir ?

- Tu devrais savoir que l’univers n’a pas de centre, encore moins ta petite personne. Mais pour répondre à l’Enquêteur, je pars en congrès dans la galaxie B1.1E4C.

- Tu connais l’objet de ma venue ? Questionna Van Cleef tentant de ne pas prendre un ton accusateur.

- La disparition du Dr Vincent Steinhardt, je présume, et pourtant je ne vois pas en quoi cela peu intéresser le conseil de la coalition.

- Le conseil de la coalition pourrait avoir des préoccupations qui t’échappent, savoura Van Cleef.

- J’en doute, murmura Joanne comme pour elle-même, ce qui énerva au plus haut point son ex-amant, détestant l’assurance tapageuse continuelle de la scientifique. Aussi c’est avec un certain contentement qu’il répliqua :

- Quoiqu’il en soit, personne ne sortira de cette citadelle avant la fin de mon enquête.

Et il affronta sans détour la fureur de sa vis-à-vis. Elle eut tôt fait de se reprendre.

- Au moins permettras-tu à la présumée coupable que je suis d’envoyer un message d’excuse. Bien que tu ne te soucis probablement pas des conséquences professionnelles de ton embargo pour moi, tu comprendras que lorsque l’on se décommande à la dernière minute d’une conférence attendue par près de 3000 confrères la moindre des choses est de s’excuser ?

Van Cleef détourna la tête légèrement. Un refus de sa part paraîtrait misérablement grossier. Au diable la grossièreté ! Cependant, son orgueil ne souffrait pas de paraître misérable.

- Envoie ton message, dit-il en lui tendant son A-Com une petite tablette qu’il sortit d’une poche sur son biceps. « Je te fais une faveur celui-ci sera le dernier envoyé de cette citadelle jusqu'à se que je résolve cette disparition », reprit-il la fixant dans les yeux. Elle hocha la tête silencieuse. Et la survenue du commandant Grif l’exempta de toute autre réponse.

- Enquêteur j’espère que vous avez d’excellentes raisons pour infliger ma citadelle d’un embargo total, dit-il les yeux plissés d’une voix tendue d’une colère tout juste contenue.

Le commandant Grif était de petite taille, et de faible corpulence. Ses cheveux blancs témoignaient d’un âge avancé malgré cela son charisme faisait presque oublier les deux colosses l’escortant. Van Cleef ne se démonta pas :

- Je suis sûr que cette discussion aurait mieux sa place dans votre bureau commandant.

Le commandant se contenta de tourner les talons sans un regard en arrière, Van Cleef le suivit. Ayant récupéré son A-Com il lançait des ordres à l’I.A de son trident :

- Récupération des enregistrements vidéo sur une semaine, relevée des communications et des échanges informatiques…

*

Lorsque la porte du commandant se fut refermée, et alors que Grif ouvrait la bouche, Van Cleef lui coupa l’herbe sous le pied et prit la parole :

- Soyons clairs Commandant, je n’ai aucun ordre à recevoir de vous, d’une part car je suis Enquêteur de la coalition et que seul le Conseil peut me donner des ordres, et d’autre part parce que vous n’êtes pas en mesure d’exiger quoi que ce soit avec une sécurité aussi laxiste à bord de votre citadelle.

Le commandant Grif referma la bouche et sa mâchoire se crispa presque autant que ses points. Van Cleef ayant repéré un petit bar se servit un Wisky sans sommation, et continua :

- Maintenant que les choses sont dites, pouvez-vous m’expliquer comment un homme de votre citadelle peut disparaître ? Certes vos militaires se tournent les pouces, mais au moins avez-vous un système de vidéo surveillance et d’authentification dans les couloirs.

Grif resta silencieux, ceci s’éternisant l’Enquêteur pensa : « Si tu me fais la technique de l’huître, vieux buté ! Tu vas sentir ma lame entre tes coquilles ». Mais la voix terriblement basse le Commandant lâcha :

- La dernière fois que l’on aperçoit le Dr Steinhardt sur les enregistrements, il entre dans ses quartiers.

- Et ensuite, combien de temps s’écoule avant que vous vous inquiétiez de son silence.

- Quatre jours.

- Quatre jours ! Vous voulez dire que personne n’a tenté de communiquer avec lui pendant quatre jours !

- C’est exact.

Devant le flegme outrancier de son interlocuteur, l’Enquêteur s’irrita :

- Allez-vous me forcer, à vous extirper toutes les informations ?

- D'une part, c’est vous l’Enquêteur je ne voudrais pas influencer votre raisonnement, et d’autre part vous me coupez la parole.

« Il prend sa revanche ce vieux mulet, restons calme », analysa Van Cleef.

- Très bien, pourquoi personne ne voulait-il communiquer avec le Dr Steinhardt ?

- Parce qu’il s’était produit un accident fâcheux, Grif fit une longue pause.

Van Cleef prit le parti d’attendre, tout en lançant vers Grif un regard encourageant à poursuivre. « Allez vieille carne parle bon sang !». Sûrement à contrecœur le Commandant continua :

- L’histoire est longue, mais pour simplifier, cela fait maintenant deux ans, le Dr Steinhardt a eu quelques problèmes relationnels avec les dames, en particulier une personne.

Nouvelle pause de Grif mettant à l’épreuve la patience de l’Enquêteur, et reprise :

- Suite à ces évènements le département des ressources humaines et moi-même avions décidé que le Dr Steinhardt devrait limiter au maximum les contacts avec la gent féminine sous peine d’être sanctionné pour harcèlement, serment rédigé par écrit et contre signé par l’intéressé.

Van Cleef s’adossa à son siège, plaçant un doigt sur chaque tempe, dévoilant sa perplexité. Cette enquête ne démarrait absolument pas comme il l’escomptait. Le Commandant s’était levé et tourna le dos un instant pour se servir un verre à son tour, il continua :

- Le Dr Steinhardt a rompu sa promesse c’est pourquoi je l’ai consigné une semaine dans ses quartiers, bien évidemment vous comprenez maintenant que personne ne s’est bousculé pour lui rendre visite.

- Attendez, qu’a-t-il fait exactement ?

Le commandant chercha ses mots au fond de son verre.

- Eh bien, il s’en est pris de nouveau à la même personne…

- Commandant ! Par pitié, je ne suis pas un membre de votre équipage indiscret, je suis Enquêteur de la coalition. A qui s’en est-il pris ?

Cette fois, Grif ne montra pas signe d’indignation, il observa Van Cleef une note de regret dans les yeux, et lâcha :

- Le Dr Cowie.

Cette fois Van Cleef ne laissa rien échapper de ses sentiments.

- Que s’est-il passé ? dit-il.

- Il est entré dans les quartiers du Dr Cowie, elle dit qu’il l’a attrapée par le bras et…a tenté de l’embrasser.

- Aucun témoin ?

- Seulement quelques personnes confirmant avoir croisé le Dr Steinhardt se dirigeant d’un pas pressé vers l’endroit en question, ainsi bien sûr que l’enregistrement vidéo des couloirs. Mais, bien entendu, personne ne sait ce qui a pu se passer dans les quartiers du Dr Cowie.

- Vous pensez qu’elle fabule ? Lança Van Cleef.

Le regard du commandant se durcit :

- Absolument pas, répliqua-t-il vivement. En fait je m’inquiète pour elle, continua-t-il pensif.

- Que voulez-vous dire ?

- Depuis les événements, le Dr Cowie semble se refermer sur elle-même. Elle est plus froide et distante que jamais.

Ces propos faisaient échos favorables à l’impression qu’en avait eue Van Cleef, et il repensa à leur première entrevue. Cela ressemblait bien à Joanne de dissimuler ses sentiments sous une chape de mauvaise humeur. Les pensées de l’Enquêteur furent interrompues par un signal sonore intempestif. Grif se dirigea vers son bureau et manipulant une commande :

- J’espère que c’est important, gronda-t-il.

Une voix embarrassée répondit :

- Une capsule est manquante mon commandant.

- Quoi ! Impossible. Avant-hier elles étaient toutes là !

- C’est qu’il s’agit d’une capsule qui n’avait pas été comptabilisée, mais mise au rebut pour taux de radioactivité supérieur à la norme.

Grif coupa la communication furieusement, puis s’adressant à l’Enquêteur :

- J’imagine que cette information vous intéresse. Voulez-vous m’accompagner ?

- Plus de deux jours commandant ? J’ai peur que la piste soit froide, sans jeux de mots. Je pense plutôt visiter les quartiers de Steinhardt.

- A votre aise, conclut Grif en s’en allant.

Une fois seul, Van Cleef se laissa aller et plongea la tête entre ses mains. « Une dernière enquête facile, un ? » En arrivant sur la citadelle tout était simple : la victime, Steinhardt, espion de la coalition, avait disparu, ayant probablement grillé sa couverture, restait donc à trouver un groupuscule Anarch ayant infiltré la citadelle scientifique et mettre à jour leur plan, la routine. Et voilà que la victime se transformait en agresseur et pas de n’importe qui, de son ex-fiancée ! Tout cela n’avait pas de sens. L’Enquêteur sortit promptement son A-Com pour vérifier le dossier du pseudo Dr Steinhardt, en réalité l’agent d’infiltration Harry Holmwood. Les caractères s’affichèrent immédiatement : « Diplômé de mathématiques en 115 AC, d’informatique en 117 AC et rentre à la SSC (service secret de la coalition) la même année, en 119 effectue sa première mission, infiltration de la compagnie spaceH2O, avec succès ». La ligne suivante retint l’attention de Van Cleef : « Inculpé pour viol, mais innocenté en 120 ». Le rapport continuait sur les missions successives de l’agent sans autres surprises.

- Tu parles d’une foutue dernière mission, s’énerva Van Cleef.

*

Les quartiers de Steinhardt étaient désespérants : proprets, immaculés ! Soit c’était un psychopathe du rangement, soit quelqu’un avait pris soin de faire le ménage, enfin, à part la porte, pas d’ouverture.

- Tout de même, le coup de la chambre close Harry ! Murmura Van Cleef pour lui-même en s’affalant dans un fauteuil.

- Plusieurs possibilités : tu es sorti par la porte, déguisé ou caché. Ou quelqu’un a trafiqué les enregistrements vidéos. Ou tu es encore ici (et dans ce cas probablement en plusieurs morceaux), ou… où !

L’Enquêteur se mit scruter la pièce. « Voilà ».

- Tu as emprunté la ventilation.

En effet, la grille donnant sur la ventilation se soulevait facilement, aucune fixation ne la retenait, et l’ouverture permettait de faire passer un homme de corpulence moyenne. Il manquait encore le mobile, pourquoi Harry Holmwood aurait-il fui une inculpation pour harcèlement sexuel qui au pire l’aurait exposé à une amende salée ? Van Cleef songea soudain à Joanne, et sortit son A-Com.

*

Le Dr Cowie entrebâillât légèrement sa porte s’en prendre la peine de regarder sur l’écran de contrôle son visiteur, et ouvrit complètement quand elle le reconnut.

- Je pensais bien que tu finirais par revenir me voir, dit-elle lui tournant le dos pour se remettre à la peinture.

- Pourquoi ne pas m’en avoir parlé plutôt ? Répliqua Van Cleef.

Joanne ne répondit pas, mais le bras tenant le pinceau s’arrêta, et ses épaules se courbèrent légèrement.

- Pourquoi ne pas avoir dit la vérité au Commandant ? Continua Van Cleef.

Elle tourna brusquement la tête vers lui les yeux mouillés de larmes, et la voix pleine de colère :

- A quoi bon. Je me doutais bien qu’il s’était déjà enfui. Moi aussi j’ai voulu fuir ce qu’il m’avait fait.

- Il t’a violé, n'est-ce pas ?

Le pinceau glissa des mains de Joanne, elle acquiesça et couvrit son visage de ses mains. Van Cleef s’approcha et l’entoura de ses bras.

- Comment l’as-tu deviné ? Chuchota-t-elle.

- Une suite d’indices. Une capsule disparue, atteste la fuite de Steinhardt, mais il ne pouvait pas fuir une simple affaire de harcèlement. Alors, j’ai vérifié son passé et j’ai trouvé une inculpation pour viol. J’ai repensé à ce que tu m’avais dit. Enfin, j’ai consulté l’historique des messages envoyés sur mon A-Com, tu n’allais pas à une conférence, mais prendre du repos chez tes parents, je suis désolé de t’en avoir empêché.

- Tu as tout deviné.

- Tu sais qu’on ne peut rien me cacher, reprit-il doucement en lui caressant la joue.

- Tu vas essayer de le retrouver ?

- Sois-en sur, on n’échappe pas à la coalition.

*

Deux journées s’étaient écoulées, l’embargo sur la citadelle était levé, et un mandat d’arrêt sur la personne de Steinhardt/ Holmwood lancé. Après une dernière entrevue avec le commandant Grif, l’Enquêteur Van Cleef décolla à bord de son Trident VD7. Et, m’étant à profit le temps nécessaire pour rejoindre le tunnel dimensionnel, décida de vérifier une dernière chose.

*

- Vous avez été remarquable, révolutionnaire, complimenta le commandant Grif.

- Inutile de se confondre en félicitations, reprit Joanne Cowie. Etan n’est pas un imbécile, il finira par comprendre qu’il a été roulé, et cela pourrait être plus vite que prévu.

- Voulez-vous commencer dès maintenant ?

- Absolument, les derniers détails ont été réglés au cours des deux derniers jours le réacteur est prêt à fonctionner. Les coordonnées de la galaxie « Centrale » sont rentrées, et les chantiers aéroportuaires Anarchs sont avertis de notre arrivée. L’instant est historique, nous allons créer pour la première fois un tunnel dimensionnel.

- Non, il est historique, car nous allons nous servir pour la première fois de l’arme qui mettra à bas la coalition Docteur, reprit Grif.

*

Durant toute sa carrière Van Cleef avait traqué les Anarchs, et il avait ainsi développé presque un sixième sens pour détecter leurs signes de reconnaissance. C’est ainsi qu’il s’était re-penché sur le message électronique de Joanne envoyé depuis son A-Com. Pourquoi mettre le logo de la citadelle dans une lettre à ses « parents » ? Il avait ensuite agrandi le logo puis superposé celui-ci à la lettre, et voici ce qu’il avait pu lire :

Espion supprimé. Jour moins deux. Réacteur sera OP. Préparez la flotte.

Van Cleef devint livide, incrédule, il reprit la direction de la citadelle. Seul le vide, sous les reflets bronze d’une planète silencieuse, l’accueillit. Ce n’est qu’un jour plus tard, après plusieurs passages à travers des tunnels dimensionnels « naturels » qu’il émergea au siège de la coalition, ou tout du moins de ce qu’il en restait après l’attaque éclaire des Anarch. Des miraculés lui expliquèrent que les Anarchs avaient surgi « d’on ne sait où », prenant à revers et au dépourvu complet, les forces défensive. Le cœur de la coalition tombé la débandade se répercutait maintenant dans tout l’univers connu. « Le réacteur dimensionnel ils ont trouvé le moyen de créer des tunnels ! »

Déstabilisé Etan s’empara machinalement de son A-Com pour vérifier le message qui venait de lui parvenir.

« Rien ne m’échappe, bisous. » Signé : Joanne.